Bilan du congrès du Nouveau Parti Anticapitaliste
Le premier Congrès du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) qui s’est tenu les 11, 12 et 13 février à Montreuil (93) s’est conclu sur un échec retentissant. Aucune des plateformes présentant des textes n’a obtenu de majorité. La majorité sortante, dont font partie le porte-parole, Oliver Besancenot, ou des figures historiques de l’extrême gauche française comme Alain Krivine, n’a récolté que 40,8% des voix des délégué-e-s sur son texte d’orientation. Il n’a même pas été possible de sortir du Congrès avec une déclaration majoritaire en raison des fortes divergences existant entre les principales plateformes. La Plateforme 3 (PF3), qui se définit elle-même comme « unitaire », est partisane d’un accord coute-que-coute avec les réformistes, à savoir avec le Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre de « gauche plurielle » sous Lionel Jospin, ainsi qu’avec le Parti Communiste (PCF). La Plateforme 2 (PF2), que la presse bourgeoise a qualifié « d’identitaire », souhaite une candidature de Besancenot pour 2012, défend l’idée d’un retour au « NPA des origines » et une orientation en direction des lieux de travail. La Plateforme 1 (PF1) quant à elle oscille entre les deux précédentes par rapport à la question électorale et se définit elle-même comme « anticapitaliste » et « unitaire ». Cette indéfinition fondamentale a fait que sept des anciens membres de la direction sortante ont finit par décider de quitter le NPA, certains rejoignant directement le PG. Ce Congrès s’est tenu, de surcroit, dans un cadre marqué par une véritable hémorragie militante, avec le passage de 9.000 cartes lors du Congrès de fondation il y a deux ans à environs 3550 votant-e-s lors des AG locales de pré-Congrès.
Une crise stratégique
Loin d’être conjoncturelle la crise du NPA est bel et bien stratégique. Les racines de cette crise sont à chercher du côté de la création même du NPA, un parti anticapitaliste large sans délimitation stratégique ni programmatique ayant pour but de regrouper des militants révolutionnaires et des réformistes radicaux. L’idée était de s’adresser notamment aux antilibéraux déçus du virage social-libéral du Parti Socialiste (accompagné en cela par son partenaire de gouvernement au sein de la « gauche plurielle », le PCF), cette crise des antilibéraux s’étant exprimée dans différents mouvements (altermondialisme, féminisme, écologisme, rejet du référendum sur la Constitution européenne de 2005, etc.).
Ce projet de construction centriste délibérément voulu par l’ancienne direction de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) se basait d’une part sur une coupure avec l’idée classique chez les trotskystes de subversion révolutionnaire de la société comme l’avait déjà anticipé l’abandon de la part de la LCR de la lutte pour la dictature du prolétariat, y compris avant la fondation du NPA. En raison de l’idée selon laquelle la chute du Mur de Berlin nous aurait faire entrer dans une « nouvelle étape », il s’agissait également d’abandonner toute référence aux leçons, enseignements et références lies au cycle ouvert par 1917, liés à une période de guerres, crises et révolutions, caractérisant l’époque impérialiste. Le projet NPA entendait remplacer tout cela par une vague définition de « socialisme du XXI° siècle » emprunté au Venezuela d’Hugo Chávez. Le NPA s’inscrivait néanmoins en faux par rapport au réformisme ouvert, celui ayant conduit aux capitulations scandaleuses des sections sœurs de l’ex-LCR au Brésil, avec la participation ministérielle au gouvernement capitaliste de Lula, ou avec l’appui de Sinistra Critica au gouvernement impérialiste de Prodi avec la participation du sénateur Franco Turigliatto au groupe parlementaire de Refondation Communiste, avec tout ce que cela impliquait (vote de la confiance au gouvernement Prodi, des crédits de guerre pour l’Afghanistan, le Liban, etc.). L’abandon explicite de la stratégie et du programme révolutionnaires par le NPA laissait néanmoins une porte grande ouverte en direction du réformisme. Confortées par les bons résultats de Besancenot aux élections présidentielles de 2007 (avec un score supérieur à celui de Lutte Ouvrière (LO) pour la LCR, mais également par rapport au PCF ou aux Verts), la « magie » et l’illusion « NPA-Besancenot » n’ont pu se maintenir qu’au cours des premières années du sarkozysme. A l’époque en effet, face à la crise du PS, Besancenot se profilait alors comme le meilleur opposant au Président de la République. Le vieux réformisme se trouvait en crise dans le cadre de la restauration bourgeoise qu’a impliquée l’offensive capitaliste au cours des dernières décennies avec la transformation du PS, à la suite des deux présidences Mitterrand, en parti ouvertement bourgeois, perdant sa base ouvrière. Mais ce cadre « exceptionnel » s’est progressivement rétréci pour le NPA. En effet la crise ouverte et historique du capitalisme a fait que le segment du spectre politique séparant le social-libéralisme de l’anticapitalisme a été occupé ou réinvesti par une foultitude de partis politiques. On songera au PG, créé à l’image de Die Linke en Allemagne, au PCF qui tend à sortir relativement de la crise profonde dans laquelle il se trouvait, à la FASE, à la gauche des Verts et y compris à la gauche du PS avec Benoit Hamon à sa tête qui a choisi de « radicaliser » son discours.
D’autre part le NPA a su participé au puissant mouvement de la classe ouvrière et de la jeunesse contre la réforme du système des retraites cet automne comme lors de la vague de luttes dures contre les licenciements en 2009. Mais le parti a souffert de son manque d’insertion dans les entreprises et n’a pas su porter une stratégie et un programme indépendants conséquents par rapport aux directions syndicales. C’est en ce sens que l’on peut affirmer que le NPA a été incapable de défendre une orientation alternative par rapport à celle de l’Intersyndicale et ne s’est pas renforcé en terme d’insertion au sein de la jeunesse et du mouvement ouvrier, notamment auprès de la jeune génération. Bien que cette dernière ne soit pas encore radicalisée politiquement, le NPA a été incapable d’attirer à lui les meilleurs éléments du mouvement de cet automne. Deux années après sa fondation l’hypothèse qui a présidé à la fondation du NPA s’est donc révélée profondément erronée. D’un point de vue de l’espace politico-électoral, ce dernier a été réinvesti par d’autres forces sur le même créneau à la suite du discrédit dans lequel le système capitaliste-néolibéral est tombé avec l’explosion de la crise. Au niveau structurel, face au saut qualitatif dans l’offensive de la bourgeoisie contre le salariat et les classes populaires, le NPA n’a su démontré que toute son impuissance dans l’intervention dans la lutte des classes.
Paralysie interne
Face à la crise stratégique du parti la PF3 essaye de trancher par la droite les ambiguïtés des principes fondateurs du NPA. La PF2 pour sa part défend l’idée selon laquelle que la majorité de la direction sortante serait responsable d’un virage opportuniste, notamment lors des élections régionales, remettant en cause les bases même ayant permis la fondation du NPA. C’est en ce sens que sur le plan électoral la PF2 soutient qu’aucun accord n’est possible avec les réformistes et qu’il s’agit de défendre la candidature de Besancenot sans aucun appel du pied en direction des « unitaires » à gauche. C’est dans ce cadre que la PF1 a tenté de maintenir un précaire équilibre qui a débouché sur l’échec du Congrès. La PF1 a en effet préféré opter pour un Congrès désastreux plutôt que de s’aligner sur les positions de l’une ou l’aitre des plateformes les plus importantes afin de ne pas « mettre en péril l’unité du parti ». Il s’agissait donc de plier sans casser, bien que le NPA sort d’une situation de crise et de paralysie totales que le Congrès a même aggravées.
Le rôle de la gauche du NPA et la construction de la Plateforme révolutionnaire (PF4)
La direction de la PF3 ne fait aucun mystère du caractère ouvertement liquidationniste de son orientation. Son projet implique effectivement la constitution d’un front politique et social avec les réformistes, c’est-à-dire une alliance stratégique avec ces derniers. Face à cette orientation la PF2 apparaît comme un pôle de gauche résistant dans le cadre des ambiguïtés de la première des minorités à l’issue de ce congrès (la PF1), notamment par rapport aux questions électorales. La PF2 regroupe en effet une partie de la gauche de l’ex-LCR, la majorité des ex-JCR ainsi que des groupes qui ont participé à la fondation du NPA à l’image de la Fraction l’Etincelle (ancienne Fraction de LO), le groupe La Commune, la Gauche Révolutionnaire (liée au CIO), etc. Un hypothétique retour au « NPA des origines » est une orientation stratégique parfaitement inadéquate pour combattre conséquemment les bases programmatiques et organisationnelles qui sont à l’origine de la crise du NPA et qui, tôt ou tard, à moins d’un changement de cap à 180°, ne peuvent que déboucher sur une division ou un échec retentissant encore plus grand pour le parti. Ce sont ces limitations programmatiques et stratégiques de la PF2 qui expliquent la mise en place de la PF4 à laquelle participent les camarades qui militent en France sur les bases de la FT-QI, les camarades de CLAIRE ou d’autres encore issu-e-s de différentes expériences militantes. Sans une réorientation programmatique radicalement opposée à celle défendue par la PF3, la PF4 pense qu’il est impossible de construire un instrument révolutionnaire qui soit à la hauteur des défis et des combats de la classe ouvrière en France, notamment à la suite du cycle ouvert par 1995 et qui a connu un saut qualitatif avec le mouvement de l’automne, cette espèce de répétition générale des bagarres à venir que le gouvernement a réussi à mettre en échec. Pour gagner, il s’agit de construire un parti ouvertement révolutionnaire. La crise actuelle que nous traversons génère de la radicalité et un mécontentement de fond, bien que cela ne se traduise pas mécaniquement en marxisme et en conscience de classe. Voilà les raisons pour lesquelles le NPA devrait répondre à cette colère avec la même radicalité, d’un point de vue diamétralement distinct, de classe et internationaliste, que ne le fait le Front National des Le Pen qui prétend offrir une issue aux classes populaires sur la base de sa logique populiste, xénophobe et raciste.
Renvoyer à plus tard la résolution des questions programmatiques et stratégiques ou la question de la nature du parti (anticapitaliste ou alors ouvertement ouvrier et révolutionnaire) comme le proposent les trois principales plateformes, y compris la PF2, ne peut que mener à la démoralisation des meilleurs éléments du NPA et à faciliter l’offensive des courants réformistes qui font pression sur le NPA afin que le parti en finisse avec son « isolement » en se joignant à eux comme si cela permettait d’avoir une politique de masse. En politique, certaines additions produisent des résultats inverses et finissent par faire perdre. Le seul chemin en direction du salariat, de la jeunesse et des classes populaires passe par une réorientation révolutionnaire du NPA. C’est la seule solution pour que le NPA puisse jouer un rôle dans les combats à venir et que la nouvelle génération ouvrière soit gagnée aux idées du communisme et de la révolution prolétarienne. Tout autre raccourci ne peut que nous mener à la défaite.
par Juan Chingo, FT-CI, Paris, 20 février 2011